L'exercice de nouvelles fonctions entériné par avenant met fin à la période d'essai prévue initialement au contrat

Publié par Sébastien CHARRIÈRE le 27/10/2010 | Lu 8200 fois | 0 réaction

Il peut arriver, alors que vous êtes en poste, qu'une place plus intéressante se libère au sein même de votre structure et que votre employeur vous le propose à titre d'essai. Une période probatoire est alors prévue avec à terme un retour dans vos fonctions initiales si cela ne convient pas. Mais que ce passe-t-il si cela se passe alors que vous êtes encore en période d'essai et que celle-ci est rompue par votre employeur ? C'est à cette question qu'a répondu la Cour de cassation le 20 octobre dernier.

Recruté comme directeur de la télésurveillance, un salarié doit respecter une période d'essai de 6 mois, renouvelable une fois (il est important de préciser, à ce titre, que les faits se passent avant la loi du 25 juin 2008 portant modernisation sociale du marché du travail qui fixe désormais des plafonds de 2, 3 et 4 mois aux périodes d'essai selon le statut du salarié). Un mois avant la fin de sa période d'essai, un avenant est signé avec une période probatoire afin que ce salarié exerce les fonctions de directeur de développement. La période probatoire prévoyait naturellement un retour aux fonctions qui étaient les siennes si jamais il ne donnait pas satisfaction.

Après avoir notifié le renouvellement de sa période d'essai (et non de sa période probatoire, à ne surtout pas confondre, voir par exemple à ce titre "Période probatoire : les différences avec la période d’essai" sur Jurifrance), l'employeur decide d'y mettre fin unilatéralement. Le salarié porte alors l'affaire devant les tribunaux.

Les juges du fond, s'appuyant en cela sur l'existence au contrat de travail d'une période d'essai encore en vigueur au moment de la rupture (l'avenant n'y faisant aucune référence), accorde à l'employeur le droit à la rupture et déboute alors le salarié de sa demande de faire reconnaitre illicite ladite rupture.

La chambre sociale de la Cour de cassation ne l'a cependant pas entendu de cette oreille. Suite au pourvoi formé par le salarié, la chambre sociale casse l'arrêt rendu en appel et reconnaît l'illicéïté de la rupture. En effet, selon elle, "en présence d'un avenant stipulant une période probatoire pour l'exercice de nouvelles fonctions, la période d'essai prévue dans le contrat de travail du salarié engagé pour occuper d'autres fonctions a nécessairement pris fin" .

L'essence même d'une période d'essai est de permettre au salarié de déterminer si les fonctions proposées lui correspondent (ainsi que la structure dans laquelle il va évoluer) et à l'employeur de déterminer si les compétences de celui qu'il a recruté correspondent bien à ses attentes au regard précisément du poste qu'il lui confie. Un avenant au contrat modifiant le poste pour lequel il a été à l'origine recruté modifie les données et la période d'essai prévue pour le premier poste ne vaut donc plus pour le second poste pour lequel une période probatoire avait d'ailleurs été prévue. C'est donc logiquement que les magistrats de la chambre sociale de la Cour de cassation ont estimé que la rupture ne pouvait être licite.

Cass. soc. 20 octobre 2010, n°08-42805, publié au bulletin