L'ex-dictateur manuel noriega devant la justice française

Publié par le 27/04/2010 | Lu 6064 fois | 0 réaction

Manuel Noriega, 74 ans, a atterri ce matin à Roissy afin d'être jugé pour des faits de blanchiment d'argent. L'ex-dictateur panaméen a été condamné par les juridictions françaises, par contumace, à 10 ans de prison en 1999. Il a déjà effectué 17 années de détention en Floride pour trafic de drogue. Son extradition de la France vers les Etats-Unis a été autorisée lundi 26 avril 2010 par Hillary Clinton.

Trafic de drogue et blanchiment d’argent, la fin de Noriega

Le général Noriega a longtemps été l’homme fort du Panama avant de tomber pour trafic de drogue et blanchiment d’argent. Il a été très proche des Etats-Unis pendant la guerre froide, servant même d’informateur à la CIA.

Capturé en 1989 sur ordre du Président George Bush père, il a été condamné à 40 ans de prison aux Etats-Unis pour trafic de drogue. Sa peine a finalement été réduite à 17 ans pour bonne conduite.

Il a également été condamné, dans son pays, à 54 ans de prison en raison de son implication dans la disparition et le meurtre d'opposants entre les années 1968 et 1989.

Enfin, Manuel Noriega a été condamné par la France, par contumace, en 1999 à dix ans de prison pour blanchiment d'argent.

La peine américaine a été exécutée mais le général est resté en détention en Floride dans l’attente de son extradition vers la France. L’extradition ayant été autorisée par un juge fédéral en septembre dernier puis notifiée par le secrétaire d’Etat Hillary Clinton hier, Manuel Noriega est arrivé à Paris ce matin. Selon le ministère de la Justice français, l'extradition a été notifiée à la France il y a quinze jours.

Au regard de la procédure, Manuel Noriega sera d’abord présenté au procureur de la République afin que son mandat d'arrêt lui soit notifié. Ensuite, il appartiendra au juge des libertés et de la détention (JLD) de se prononcer sur son éventuelle mise en détention provisoire. La comparution aura lieu au plus tard dans les deux mois suivant son placement en détention.

L'avocat français de l’ancien dictateur, Maître Yves Leberquier, estime que son client ne peut être jugé par la justice française pour les faits qui lui sont reprochés en raison de leur prescription et de son immunité d'ancien chef d'Etat.

La procédure d’extradition

Le 22 mars 2010, la Cour suprême des Etats-Unis a refusé la demande de Manuel Noriega d'être réentendu. Ce jugement a permis son extradition vers la France.

Le gouvernement panaméen a précisé hier qu'il respectait la décision souveraine des Etats-Unis d'extrader le Général vers la France et qu’il souhaiterait que celui-ci le soit ensuite vers le Panama afin de pouvoir le juger pour d’autres accusations.

L'extradition est la remise par un Etat, d'un individu qui se trouve sur son territoire, à un autre Etat qui recherche cet individu, soit afin de le juger pour une infraction qu'il aurait commise, soit afin de lui faire subir la condamnation que ses tribunaux ont déjà prononcée à son encontre.

En droit français, elle est régie par les articles 696 et suivants du Code de procédure pénale. Cette procédure est soumise à des conditions strictes et encadrée au regard notamment des droits de la défense.

Aucune remise ne pourra être faite à un gouvernement étranger de personnes n'ayant pas été l'objet de poursuites ou d'une condamnation pour une infraction prévue par les articles 696-2 et suivants du Code de procédure pénale.

Les faits qui peuvent donner lieu à l'extradition, qu'il s'agisse de la demander ou de l'accorder, sont les suivants :

- tous les faits punis de peines criminelles par la loi de l'Etat requérant ;

- les faits punis de peines correctionnelles par la loi de l'Etat requérant, quand le maximum de la peine d'emprisonnement encourue, aux termes de cette loi, est égal ou supérieur à deux ans, ou, s'il s'agit d'un condamné, quand la peine prononcée par la juridiction de l'Etat requérant est égale ou supérieure à deux mois d'emprisonnement.

En aucun cas l'extradition n'est accordée par le gouvernement français si le fait n'est pas puni par la loi française d'une peine criminelle ou correctionnelle. Les faits constitutifs de tentative ou de complicité sont soumis aux règles précédentes, à condition qu'ils soient punissables d'après la loi de l'Etat requérant et d'après celle de l'Etat requis.

Si la demande a pour objet plusieurs infractions commises par la personne réclamée et qui n'ont pas encore été jugées, l'extradition n'est accordée que si le maximum de la peine encourue, d'après la loi de l'Etat requérant, pour l'ensemble de ces infractions, est égal ou supérieur à deux ans d'emprisonnement.

Toute personne appréhendée à la suite d'une demande d'extradition doit être conduite dans les quarante-huit heures devant le procureur général territorialement compétent.

Après avoir vérifié l'identité de la personne réclamée, le procureur général l'informe, dans une langue qu'elle comprend, de l'existence et du contenu de la demande d'extradition dont elle fait l'objet et l'avise qu'elle peut être assistée par un avocat de son choix ou, à défaut, par un avocat commis d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats, qui sera alors informé sans délai et par tout moyen.

Il l'avise qu'elle peut s'entretenir immédiatement avec l'avocat désigné. Mention de ces informations est faite, à peine de nullité de la procédure, au procès-verbal.

L'avocat peut consulter sur-le-champ le dossier et communiquer librement avec la personne recherchée.

Le procureur général fait connaître également à la personne réclamée qu'elle a la faculté de consentir ou de s'opposer à son extradition et lui indique les conséquences juridiques si elle y consent. Il l'informe qu'elle a la faculté de renoncer à la règle de la spécialité et lui indique les conséquences juridiques de cette renonciation.

Le procureur général reçoit les déclarations de la personne réclamée et, s'il y a lieu, de son conseil, dont il est dressé procès-verbal. Puis, il ordonne l'incarcération et le placement sous écrou extraditionnel de la personne réclamée à la maison d'arrêt du siège de la cour d'appel.

Toutefois, s'il estime que sa représentation à tous les actes de la procédure est suffisamment garantie, le procureur général peut soumettre la personne réclamée, jusqu'à sa comparution devant la chambre de l'instruction, à une ou plusieurs des mesures prévues à l'article 138 (mesures de contrôle judiciaire, telles une restriction à la liberté d’aller et venir ou une interdiction d’exercer une activité déterminée).

Cette décision est notifiée verbalement et mentionnée au procès-verbal dont copie lui est remise sur-le-champ. Elle est susceptible de recours devant la chambre de l'instruction qui doit statuer dans un délai de cinq jours.

La condamnation par contumace

Une condamnation par contumace est une condamnation prononcée par un juge à l'issue d'un procès pendant lequel le condamné n'était pas présent.

La procédure de contumace a été supprimée en France par la loi du 9 mars 2004 (Perben II). A été créée en remplacement de celle-ci, une procédure de défaut criminel qui donne lieu à des débats oraux si l'accusé est représenté par un avocat.