Interdiction des stages hors cursus : les universités n'ont pas compris la leçon du gouvernement ?

Publié par Documentissime le 06/10/2010 | Lu 11410 fois | 2 réactions

Ces derniers temps, les universités françaises se sont efforcées d'appliquer à la lettre le décret d'application de la loi du 24 novembre 2009 relatif à l'emploi et à la formation interdisant les stages hors cursus pédagogique. Ainsi, bon nombre de facultés refusaient de délivrer à leurs étudiants des conventions pour des stages volontaires. Hier, la Ministre de l'Enseignement Supérieur, Valérie Pécresse, a accusé les universités de faire trop de zèle en la matière et d'avoir interprété le décret de manière abusive. Les universités risquent de s'embourber : Alors les stages hors cursus, interdits ou pas ?

L’interprétation par les universités du Décret interdisant les stages hors cursus

Face à la loi du 24 novembre 2009 et son Décret d’application du 1er septembre 2010, les universités françaises pensaient que le message du gouvernement était sans équivoque : elles ne se jugeaient plus autorisées à délivrer des conventions de stages n’étant pas en rapport avec le contenu de la formation proposée.

Ainsi, lorsqu’une étudiante parisienne n’a pas obtenu de son université une convention de stage au motif que ce stage n’était pas prévu dans son cursus, cette dernière s’est indignée.

Excédée, elle a constitué un groupe sur Facebook, appelé : « Touche pas à mon stage », qui compte à ce jour 3778 adeptes.

Certaines facultés ont d’ailleurs cherché à contourner cette interdiction de façon à ne pas pénaliser des étudiants désireux de faire un premier plongeon dans le monde des entreprises, quand bien même l’immersion n’était pas imposée par leur formation.

Selon rue 89, l'université Pierre Mendès-France de Grenoble avait instauré un dispositif baptisé « Passerelle pour l'emploi », permettant aux étudiants sortis d'un master 2 de prolonger leur formation avec un stage en entreprise.

Suivant la même logique, l'université Lyon-Lumière, a crée un Diplôme Universitaire, dont  les places n’étaient pas limitées et la formation n’était pas réservée aux anciens étudiants. La seule condition pour intégrer ce DU est de trouver une entreprise d’accueil et que le stage corresponde avec le domaine d'études.

Toujours selon rue 89, Valérie Pécresse, qui reproche aux universités d’avoir mal interprété le Décret, s’était pourtant emparée des « dossiers limites », en vue de sanctionner les facultés peu respectueuses de l’interdiction des stages hors cursus.

Hier pourtant, la ministre déclarait quant au défaut de délivrance par les universités de convention de stages hors cursus que : « ces refus constituent une interprétation abusive d'administrations universitaires tatillonnes qui n'ont pas compris l'objectif du décret »…

Quelle interprétation fallait-il alors adopter ?

Le Décret d’application de la Loi du 24 novembre 2009 relative à l’emploi et à la formation, semblait pourtant asséner explicitement aux universités l’interdiction des conventions de stages hors cadre de la formation universitaire.

Une séance de rattrapage des universités prodiguée par la ministre en personne

Selon la ministre, la bonne interprétation du Décret sera produite dans une circulaire ministérielle qui sera adoptée « le plus tôt possible ».

En attendant, Valérie Pécresse a fait un cours de rattrapage à Monsieur Lionel Collet, président de la Conférence des présidents d'universités (CPU), sur la réelle portée du Décret d’application litigieux en matière de stages hors cursus.

Au cours de cette séance de rattrapage, elle a rappelé les points suivants :

  • Le décret « vise à mettre fin aux abus d'employeurs qui recruteraient en stage des jeunes diplômés sortis de l'université, ainsi qu'aux pratiques de certains organismes établissant des contrats de travail sous l'appellation de stages »,

  • L’application du Décret « ne doit en aucun cas avoir pour conséquence de restreindre l'accès des étudiants aux stages volontaires que ceux-ci sollicitent auprès des entreprises, afin d'acquérir une expérience professionnelle, alors qu'ils sont inscrits dans un cursus universitaire ».

Il semblerait que la leçon de Valérie Pécresse n’éclaire pas davantage les universités sur l’attitude à adopter face à l’interdiction des stages hors cursus.

Il ne reste plus qu’à attendre la circulaire ministérielle…

Ce que dit la loi

Suite à la loi du 24 novembre 2009 sur la formation professionnelle, le gouvernement avait souhaité mettre en place un décret visant à faire appliquer la mesure d’interdiction des stages hors cursus de formation. Le projet proposé visait donc à empêcher les employeurs d'abuser de la précarité des jeunes diplômés, en supprimant les stages effectués en dehors d’un cursus pédagogique.

L’article 1 du Décret d’application n° 2010-956 du 25 août 2010 énonce que :

« Les établissements d'enseignement dispensant une formation supérieure diplômante ou non diplômante dont les étudiants accomplissent, à titre obligatoire ou optionnel, des stages en entreprise prévus à l'article 9 de la loi du 31 mars 2006 susvisée élaborent, en concertation avec les entreprises intéressées, une convention de stage sur la base d'une convention type.

« Ces stages sont intégrés à un cursus pédagogique dans les conditions suivantes :

« ― leur finalité et leurs modalités sont définies dans l'organisation de la formation ;

« ― ils font l'objet d'une restitution de la part de l'étudiant donnant lieu à évaluation de la part de l'établissement.

« Sont également intégrés à un cursus, dès lors qu'ils satisfont aux conditions fixées aux troisième et quatrième alinéas du présent article, les stages organisés dans le cadre :

« ― des formations permettant une réorientation et proposées aux étudiants, notamment sur les conseils des services d'orientation ou d'un responsable de l'équipe pédagogique de la formation dans laquelle l'étudiant s'est engagé initialement ;

« ― de formations complémentaires destinées à favoriser des projets d'insertion professionnelle et validées en tant que telles par le responsable de la formation dans laquelle est inscrit l'étudiant ;

« ― des périodes pendant lesquelles l'étudiant suspend temporairement sa présence dans l'établissement dans lequel il est inscrit pour exercer d'autres activités lui permettant exclusivement d'acquérir des compétences en cohérence avec sa formation. Dans ce cas, en complément de la convention de stage, l'établissement d'enseignement et l'entreprise concluent un contrat pédagogique. »

Si leur durée est supérieure à deux mois (trois mois avant le 1er janvier 2010), les stages donnent lieu à une « gratification » exonérée de charges sociales jusqu'à un plafond égal à 417,09 euros par mois.

Cette obligation ne s’applique toutefois pas aux ambassades par exemple, ou encore dans le secteur de l'orthophonie, domaines dans lesquels les professionnels ont estimé que l'instauration de cette (lourde) indemnité aurait engendré une pénurie de stages.

Le décret du 25 août 2010 souffre lui aussi de nombreuses exceptions. Les stages liés à une formation permettant une réorientation ou à une formation complémentaire destinée à favoriser l'insertion professionnelle ne seront pas concernés par l’interdiction.