Réforme de la fiscalité du patrimoine : les fondations comme « valeur refuge » ?

Publié par Stéphane COUCHOUX le 20/04/2011 - Dans le thème :

Impôts et fiscalité

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L'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ne sera finalement pas supprimé mais aménagé. Après des hésitations, le Ministre du Budget[1] a déclaré que l'ISF ne concernera plus que les contribuables disposant d'un patrimoine supérieur à 1,3 million d'euros et ne comprendra plus que deux tranches (imposées, dès le premier euro, respectivement à 0,25 % et 0,5 %).

Cet aménagement de l'ISF s'avère en réalité une compensation à la suppression annoncée du bouclier fiscal.

Suppression à laquelle devrait s'ajouter l'augmentation de la taxation des donations et successions. Désormais, seules les donations passées depuis plus de 10 ans (au lieu de 6 ans actuellement) ne seront pas prises en compte pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit[2]. En outre les avantages octroyés aux donateurs de moins de 80 ans (30% d'abattement) et de 70 ans (50% d'abattement) seront supprimés tandis que le barème des droits de succession sera relevé de 5 points pour la tranche supérieure (commençant à 1,8 million d'euros de patrimoine transmis par part).

Le rétrécissement de la base de l'ISF inquiète les fondations[3]. En effet, les personnes imposées à l'ISF peuvent prétendre à une réduction d'impôt à hauteur de 75% des montants donnés à certaines formes de fondations dans la limite de 50.000€ ou 45.000€ depuis le 1er janvier 2011.

En réalité, la hausse sensible de la taxation des transmissions de patrimoine pourrait favoriser les libéralités aux fondations et, surtout, aux fonds de dotation.

Il est vrai que les dispositions fiscales applicables aux legs à des fondations reconnues d'utilité publiques (FRUP) ou aux fonds de dotation (FDD) demeurent particulièrement avantageuses au regard du durcissement de la fiscalité patrimoniale annoncée par le Gouvernement.

D'une part, les dons et legs en faveur des FRUP à caractère scientifique, artistique et culturel et des FDD (quel que soit leur domaine d'intervention) sont exonérés de droits de mutation.

D'autre part, un héritier, donataire ou légataire, peut bénéficier d'un abattement correspondant à la valeur des biens reçus s'il les transmet à une FRUP ou une association reconnue d'utilité publique intervenant dans certains domaines d'intérêt général.

Sans oublier qu'un legs peut être consenti au profit d'un fonds de dotation qui n'existe pas au jour de l'ouverture de la succession[4], et ce, également en franchise de droits de mutation à titre gratuit.

De plus, la suppression du bouclier fiscal pourrait en inspirer même s'avérer « vertueuse », pour l'intérêt général s'entend…

En effet, les grands patrimoine, désormais exclus du bouclier fiscal, pourront devenir de grands donateurs et ainsi bénéficier de la réduction d'impôt au taux de 66 % dans la limite annuelle de 20 % de leurs revenus imposables en cas de donation de tout ou partie de leur patrimoine à une FRUP ou à un fonds de dotation..

Les fondations et les fonds de dotation vont-ils alors devenir « les légataires universels » de la réforme de la fiscalité du patrimoine, et ce pour l'intérêt général ? A suivre…



[1] Fiscalité, Actualité du 18 avril 2011, www.budget.gouv.fr.

[2] La perception est effectuée sur la valeur des biens compris dans la donation ou la déclaration de succession à laquelle s'ajoute celle des biens qui ont fait l'objet de donations antérieures de moins de 10 ans (au lieu de 6 ans actuellement).

[3] « Dons : les fondations s'inquiètent de l'impact de la réforme fiscale », 11 avril 2011, www.leschos.fr.

[4] Loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, Article 140-IV (sous réserve que le fonds de dotation acquiert la personnalité morale dans l'année suivant l'ouverture de la succession).