Les droits de succession dans l'adoption simple et la notion de secours ininterrompus

Publié par Caroline YADAN PESAH le 20/06/2014 - Dans le thème :

Impôts et fiscalité

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Pour bénéficier des avantages liés au statut de l'adoption simple, l'adoptant doit avoir reçu des "secours et des soins ininterrompus", qui s'entendent comme une prise en charge continue et principale, n'ayant pas nécessairement besoin d'être exclusive, selon l'arrêt de principe rendu par la Cour de cassation.


Cass. com. 6-5-2014 n° 12-21.835 (n° 450 FS-PB)

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que, par jugement du 11 juillet 1990, M. J., né en 1954, a fait l’objet d’une adoption simple par son grand-oncle ; que celui-ci est décédé le 30 janvier 2005, après lui avoir fait donation de divers biens par actes notariés des 23 avril 1992 et 8 septembre 2004 ; que, tant à l’occasion de ces donations que lors de la déclaration de succession, les droits de mutation ont été versés selon le barème applicable aux héritiers en ligne directe ; que, les 27 février et 8 mars 2007, l’administration fiscale a notifié à M. J. des propositions de rectification, en soutenant que les règles de transmission et de succession en ligne directe n’étaient pas applicables à la donation de 2004 et à la déclaration de succession, faute pour lui de rapporter la preuve de ce qu’il avait reçu de son père adoptif des soins et des secours non interrompus dans sa minorité et dans sa majorité pendant dix ans au moins ; qu’après mise en recouvrement des rappels de droits correspondants et rejet de sa réclamation amiable, M. J. a saisi le tribunal de grande instance afin d’être déchargé de cette imposition ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. J. fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande alors, selon le moyen :

1°/ qu’au sens de l’article L 80 B du livre des procédures fiscales, la prise de position de l’administration n’a pas nécessairement à être écrite et à être portée officiellement à la connaissance du contribuable ; qu’en posant une telle condition qui ne résulte ni de la loi ni d’aucun principe, la cour d’appel viole l’article 12 du code de procédure civile, ensemble les articles L 80 B du livre des procédures fiscales et L 80 A du même livre auquel l’article susvisé se réfère ;

2°/ que le demandeur insistait dans ses écritures d’appel sur la nécessaire application dans la cause des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, principes qui s’imposent au service des impôts en la matière, services qui ne bénéficient d’aucun privilège exorbitant du droit commun ; qu’à cet égard, le contribuable s’inspirant des dispositions de l’article L 80 B du livre des procédures fiscales insistait sur la circonstance qu’il avait bénéficié en 1990 d’une adoption simple, les conditions requises pour une telle adoption étant parfaitement remplies, qu’en 1992, il avait bénéficié d’une donation en sa qualité d’adopté simple, laquelle n’avait donné lieu à aucune rectification des droits d’enregistrement alors calculés suivant le barème applicable en cas de filiation en ligne directe selon les prévisions de l’article 786, 3° du code général des impôts ; que le principe de sécurité juridique et de confiance légitime faisait que c’était le même régime fiscal qui devait s’appliquer pour la donation de 2004 et la succession d’Henri J. ouverte en 2005, étant observé que le demandeur insistait encore sur la circonstance que l’administration fiscale avait donné à ses agents pour consigne que le refus d’appliquer le barème en ligne directe en cas d’adoption simple doit présenter un caractère exceptionnel et que l’administration centrale avait également donné à ses agents pour consigne de se livrer à une appréciation bienveillante des justificatifs fournis en cas d’adoption simple avec ses conséquences fiscales ayant été révélée au service des impôts dès 1992 par le dépôt d’un acte enregistré, lequel n’a pas été remis en cause par l’administration qui, ce faisant, avait nécessairement pris position sur le taux d’imposition ; qu’en ne s’exprimant absolument pas sur cette ligne particulière de défense qui appelait une nécessaire réponse dans le contexte de cette affaire, la cour d’appel méconnaît les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le silence de l’administration ne peut être tenu pour une prise de position formelle et que la garantie prévue par le premier alinéa de l’article L 80 A du livre des procédures fiscales, étendue par application de l’article L 80 B du même livre aux cas où l’administration a pris antérieurement une position formelle sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal, ne s’applique, en vertu du premier de ces textes, qu’en cas de rehaussement d’impositions antérieures ; qu’ayant constaté que la donation de 1992 n’avait donné lieu à aucune rectification des droits d’enregistrement, la cour d’appel en a déduit à bon droit qu’il n’y avait pas eu prise de position formelle des services fiscaux ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche en l’absence de remise en cause par l’administration d’une position antérieurement prise par elle, n’est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 786, alinéa 2, 3° du code général des impôts ;

Attendu que bénéficient de la dérogation prévue par ce texte, les adoptés simples qui, soit dans leur minorité et pendant cinq ans au moins, soit dans leur minorité et leur majorité et pendant dix ans au moins, ont reçu de l’adoptant des secours et des soins non interrompus ;

Attendu que, pour rejeter la demande de M. J., l’arrêt retient qu’il est de principe que l’adoptant doit avoir assuré la totalité des frais d’éducation et d’entretien de l’adopté pendant la période requise ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la notion de secours et de soins ininterrompus n’impose pas une prise en charge exclusive, mais seulement continue et principale, de l’adopté simple par l’adoptant, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

Casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 janvier 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry ;

Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;