Faute inexcusable de la société Eurovia dans le procès du bitume

Publié par Documentissime le 17/05/2010 | Lu 6930 fois | 0 réaction

Le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bourg-en-Bresse a rendu ce lundi 10 mai 2010 son jugement dans le procès du bitume. José-Francisco Serrano Andrade, ouvrier spécialisé dans l'épandage du bitume et du macadam est décédé d'un cancer de la peau le 3 juillet 2008. Une faute inexcusable a été reconnue à l'encontre de son employeur, la société Eurovia, filiale de Vinci, qui va donc devoir indemniser la famille du salarié.

Cancer de la peau et faute inexcusable de l’employeur

Le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Bourg-en-Bresse a consacré la faute inexcusable de la société Eurovia dans le procès du bitume ainsi que l’origine professionnelle du cancer de l’ouvrier décédé.

Le tribunal a en effet reconnu que la conjonction de projections, voire d'inhalations, du bitume avec les UV favorisait, soit le risque né des UV, soit le risque né du bitume.

L’action en justice avait été intentée par la famille de José-Francisco Serrano Andrade, décédé le 3 juillet 2008 des suites d’un cancer de la peau.

Le 12 avril dernier, lors de l’audience, l'avocat de la famille du défunt, Maître Jean-Jacques Rinck, a souligné que l'ouvrier était décédé parce qu’il avait inhalé trop d'émanations de bitume. L’avocat a fait un parallèle avec l'amiante, autre facteur de maladie professionnelle retenu par les magistrats.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) avait suivi le même raisonnement en reconnaissant un lien direct entre le cancer de l’ouvrier et l’exercice de son activité professionnelle. Il s’agissait bien d’une maladie professionnelle selon l’organisme.

Restait alors à apprécier l’existence d’une éventuelle faute inexcusable de l’employeur au regard de son obligation de sécurité, ce que souhaitait vivement la famille de l’intéressé qui demandait indemnisation de son préjudice à la société.

La faute inexcusable de l’employeur est reconnue, en cas de manquement à l’obligation de sécurité de résultat découlant du contrat de travail, lorsque ces deux conditions sont réunies :

  • l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger risqué pour le salarié ;
  • l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié.

 

Le manquement à cette obligation de sécurité caractérise de la sorte la faute inexcusable au sens de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale.

Lorsque la maladie professionnelle est due à une faute inexcusable de l’employeur, elle entraîne pour le salarié la majoration de son indemnisation et la réparation de divers préjudices.

En cas de décès, ce sont les ayants-droit (les enfants et la femme par exemple) qui peuvent prétendre à une majoration de la rente.

Dans le litige en question, la famille de l’ouvrier décédé agissait afin de voir consacrée la faute inexcusable, cela dans un but d’indemnisation supplémentaire mais surtout afin que la responsabilité de l’employeur soit retenue.

La société Eurovia, employeur de l’ouvrier décédé contestait évidemment l’existence d’une telle faute et le caractère professionnel du cancer de son salarié.

Pour se défendre, elle avance que la maladie de la victime est liée à une exposition excessive au soleil et non à l'inhalation de produits toxiques. Elle ne considère pas le cancer de la peau de Monsieur Serrano Andrade comme une maladie professionnelle.

Finalement, la faute inexcusable a bien été reconnue par le Tribunal. Maître Rinck s’est félicité de cette décision : c'est la première fois qu'un tribunal français reconnaît le caractère professionnel à un cancer suite à l’inhalation de fumées toxiques du bitume.

Cette décision est donc un premier pas vers la reconnaissance des maladies professionnelles liées à l’inhalation de bitume et un espoir pour les nombreux ouvriers exposés à ce risque.

Le jugement de ce jour est cependant susceptible d’appel. La procédure ne serait donc pas terminée si la société décidait de contester sa condamnation.

Cette affaire est l’occasion d’effectuer un bref rappel sur les règles applicables en matière de maladie professionnelle.

 

Qu’est-ce qu’une maladie professionnelle ?

La maladie professionnelle est régie par les articles L 461-1 du Code de la sécurité sociale. Elle peut être définie comme la conséquence de l'exposition plus ou moins prolongée à un risque lors de l’exercice de l’activité professionnelle.

Il existe des tableaux recensant entre autres les différentes maladies professionnelles, leurs facteurs et les manifestations.

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut également être reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès.

Une maladie professionnelle peut donc être reconnue s’il est prouvé qu’elle résulte de l’activité professionnelle. La preuve peut être rapportée par la victime ou ses proches. En l’espèce, l’ouvrier étant décédé, dans le procès d’Eurovia, c’est la famille qui a rapporté le lien entre le cancer et le travail.

 

Comment déclarer une maladie professionnelle ?

Pour effectuer vos démarches en cas d’accident ou de maladie professionnelle, nous vous invitons à télécharger gratuitement les modèles de lettres relatifs aux accidents du travail et maladies professionnelles sur notre site Documentissime.

Il appartient à la victime de déclarer la maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) dont elle relève, dans un délai de 15 jours à compter de la cessation du travail si son état de santé justifie un arrêt.

La caisse dispose de trois mois à compter de la date de réception de la déclaration et du certificat médical initial pour instruire le dossier et se prononcer sur le caractère professionnel ou non de la maladie.

Dans le cas de José-Francisco Serrano Andrade, la CPAM avait reconnu le caractère professionnel du cancer, qu’elle considérait lié à l’activité professionnelle du travailleur.