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Harcèlement sexuel : nouvelle loi !

Publié par Claudia CANINI le 15/08/2012 - Dans le thème :

Emploi et vie professionnelle

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Tout salarié a le droit de ne pas se faire importuner sexuellement sur le lieu de travail.

Or, le 4 mai dernier le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution, en raison de son imprécision, l'article 222-33 du code pénal qui prévoyait le délit de harcèlement sexuel.

Eu égard à l'urgence de rétablir une infraction pénale, la loi n°2012-954 entrée en vigueur le 6 août 2012 prend désormais en compte, plus largement, l'ensemble des situations de harcèlement sexuel, afin de mieux protéger les victimes de ces agissements.

1.    REDÉFINITION DU HARCÈLEMENT SEXUEL


1.1.    Éléments constitutifs du harcèlement sexuel


L’infraction pénale est désormais redéfinie selon 2 modalités différentes, à savoir :

1° le délit de harcèlement sexuel par répétition de propos ou d'actes à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à la dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à l’encontre de la victime une situation intimidante, hostile ou offensante.


2° le délit de harcèlement sexuel par « chantage sexuel », c’est-à-dire toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.


1.2.    Preuve du harcèlement sexuel


Dans l'hypothèse d'un litige relatif à un harcèlement sexuel, le salarié concerné doit établir - et non plus seulement présenter- les éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement (C. trav., art. L. 1154-1).


Il incombera, ensuite, au défendeur de prouver que les agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement sexuel et que la décision prise à l'encontre du salarié (licenciement, sanction disciplinaire) est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge prend en considération les éléments fournis par le salarié et ne saurait se satisfaire d'arguments hors de propos avancés par l'employeur (Cass. soc., 12 janv. 2011).


Ensuite le juge, éventuellement après avoir ordonné toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles, forme sa conviction sur l'existence ou non du harcèlement sexuel.

Le plus souvent, en pratique, la preuve du harcèlement sexuel est rapportée par les témoignages précis des personnes témoins des faits.

Afin d'encourager ces dernières à témoigner, le législateur leur assure une protection contre le licenciement (C. trav., art. L. 1153-3).


1.3.    Illustrations jurisprudentielles


Sous l’empire de l’ancienne loi, ont été jugés comme constituant des faits de harcèlement sexuel :


– une multiplication de cadeaux, d'appels et de messages téléphoniques (Cass. soc., 3 mars 2009) ;


– des propos déplacés ou obscènes (Cass. soc., 1er déc. 2011) ;


– des propos à caractère sexuel par l'envoi de messages électroniques, hors du temps et du lieu de travail (Cass. soc., 19 oct. 2011) ;


– des gestes déplacés ayant une évidente connotation sexuelle (Cass. soc., 30 nov. 2005) ;

– la tentative d'un cadre d'embrasser une salariée contre son gré, sur le lieu de travail, de l'emmener à son domicile en renouvelant des avances de nature sexuelle, de l'appeler fréquemment par téléphone en dénigrant la relation affectueuse que celle-ci entretient avec un tiers (Cass. soc., 24 sept. 2008).

2.    ACTEURS DE LA PRÉVENTION DU HARCÈLEMENT SEXUEL

2.1.    L’employeur


L'employeur est chargé de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les actes de harcèlement sexuel dans les relations du travail (C. trav., art. L. 1153-5).

Le chef d'entreprise doit également afficher le règlement intérieur, qui rappelle les dispositions relatives au harcèlement sexuel, à une place convenable aisément accessible dans les lieux où le travail est effectué, ainsi que dans les locaux où se fait l'embauchage (C. trav., art. R. 1321-1).

2.2.    L’inspecteur du travail


Les inspecteurs du travail ont pour mission d’assurer le respect de l'obligation de prévention des employeurs, en particulier dans les entreprises où des actions de prévention leur paraîtront nécessaires (C. trav., art. L. 8112-1).


2.3.    Les services de santé au travail et le médecin du travail


Les services de santé au travail qui associent des compétences médicales et pluridisciplinaires sont les acteurs privilégiés de la prévention du harcèlement et de la violence au travail (ANI sur la violence et le harcèlement au travail, 26 mars 2010 étendu par A. 23 juill. 2010).


De même, le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que les mutations ou transformations de postes (C. trav., art. L. 4624-1).


2.4.    Le droit d’alerte des représentants du personnel


2.4.1.    Les délégués du personnel


Si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte non justifiée aux droits des personnes ou aux libertés individuelles dans l'entreprise, il en saisit immédiatement l'employeur.


L'employeur est alors tenu de procéder sans délai à une enquête et de prendre des mesures nécessaires pour remédier à cette situation.

A défaut, le salarié concerné ou le délégué peut saisir le bureau de jugement du conseil de prud'hommes.


Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser l'atteinte litigieuse et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor (C. trav., art. L. 2313-2).


2.4.2.    Le CHSCT


Le comité d'hygiène, de santé et des conditions de travail peut, également, proposer des actions de prévention en matière de harcèlement sexuel (C. trav., art. L. 4612-3).


Il peut, notamment, prendre des initiatives pour mettre en œuvre des actions d'information susceptibles de contribuer à l'amélioration des conditions de travail.


2.5.    Les organisations syndicales


Les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent de la méconnaissance des dispositions en faveur des salariés harcelés, à condition toutefois qu'elles justifient d'un accord écrit de l'intéressé.


3.    PROTECTION CONTRE LE HARCÈLEMENT SEXUEL


Le salarié harcelé mais encore le témoin des faits fautifs bénéficient d’une protection contre tout licenciement ou sanction, suite à la révélation d'un harcèlement sexuel.

En principe, la sanction ou le licenciement prononcé à l'encontre du salarié victime ou témoin d'un harcèlement sexuel sont nuls de plein droit (C. trav., art. L. 1153-1 et L. 1153-4).


La conséquence de la nullité de ces actes est qu'ils sont réputés ne jamais avoir existés.
Ainsi, en cas de licenciement, le salarié bénéficie d'un droit à réintégration.


Si le salarié ne sollicite pas sa réintégration, il a droit aux indemnités de rupture (licenciement et préavis) et à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du Code du travail, c’est-à-dire qu’elle ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois (Cass. soc., 27 juin 2000).


Selon la Cour de cassation, cette indemnité minimale est due "quelle que soit l'ancienneté du salarié dans l'entreprise" ; le montant ne peut donc pas être diminué au motif que l'intéressé ne justifie pas de 6 mois de présence dans l'entreprise (Cass. soc., 14 avr. 2010).


4.    SANCTIONS DU HARCÈLEMENT SEXUEL


4.1.    Sanction disciplinaire de l’auteur


Tout salarié ayant procédé aux agissements de harcèlement sexuel est passible d'une sanction disciplinaire (C. trav., art. L. 1153-6).

Obligation est aussi faite à chaque salarié "de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail" (C. trav., art. L. 4122-1).


Le salarié qui harcèle ses collègues, moralement ou sexuellement, manque aussi certainement à cette obligation...


Les propos à caractère sexuel et l'attitude déplacée d'un salarié à l'égard de collègues de travail ne relèvent pas de sa vie personnelle Cass. soc., 19-10-2011).


Le fait d'abuser de son pouvoir hiérarchique dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles constitue un harcèlement sexuel et caractérise une faute grave y compris lorsque les agissements ont lieu en dehors du temps et du lieu de travail (Cass. soc., 11-01-2012).


4.2. Sanction pénale : aggravation des peines

La nouvelle loi sanctionne toute infraction aux dispositions relatives au harcèlement sexuel d'une peine de 2 ans de prison et 30 000 d'amende (3 ans de prison et 45 000 € d'amende en cas de circonstances aggravantes) (Code pénal, art. 222-33).

EN CONCLUSION


L'employeur n'a plus le choix d'ignorer les risques susceptibles de porter atteinte à la santé et sécurité des salariés de l'entreprise.


En matière de harcèlement spécialement, prévenir ne suffit plus et il ne faut plus que de tels agissements se produisent ! La Cour de Cassation l’a rappelé dans 2 arrêts rendus le 3 février 2010 en considérant que : l'employeur manque à son obligation de sécurité de résultat, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, "quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements".


Obligation est donc faite aux employeurs de réagir vite et interdiction leur est faite d'ignorer ou de négliger de tels faits...

Pour aller plus loin :

Harcèlement sexuel : quel recours pour les victimes ?

Agressions sexuelles, harcèlement : qui est responsable ?

Harcèlement sexuel ou séduction personnelle : limites du délit ?

ANI du 26 mars 2010 : harcèlement et violence au travail

Harcèlement : nouvel arrêté ministériel du 31 juillet 2010

Pour en savoir plus…

Claudia CANINI
Avocat à la Cour

www.canini-avocat.com


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