Dons d'organe par des personnes vivantes : interprétation stricte de la notion de frère et soeur

Publié par Julie TROUPEL le 25/01/2011 | Lu 8551 fois | 0 réaction

Un donneur devait donner son rein à sa demi-soeur mais le comité d'experts de l'agence de biomédecine lui a opposé un refus au motif qu'en l'espèce le donneur et le receveur ne disposaient pas, sur le plan strictement juridique, de lien de parenté. Ainsi, du fait de la rigueur des dispositions des lois bioéthique en matière de dons d'organes, une femme risque de voir son état de santé se dégrader considérablement, faute de nouveau rein. Un projet de loi portant révision des lois de bioéthique, sera présenté sur le bureau de l'Assemblée nationale à partir du 8 février prochain, ne serait-il pas opportun de reconsidérer la question du lien de parenté juridique entre le donneur et le receveur ?

Le débat au cours de la discussion sur le projet de loi portant révision des lois bioéthique, tendra surtout à se porter sur la question de la levée ou du maintien de l’anonymat pour les dons de sperme et d’ovocyte.

Pourtant, une autre disposition en vigueur découlant des lois de bioéthique devrait faire l’objet d’une révision dans le cadre du projet de loi, il s’agit du cas de dons d’organes par des donneurs vivants appartenant au cercle de famille du receveur.

« Nous sommes apparemment les premiers mais la société a changé, demain il y aura beaucoup plus de demi-frères et sœurs, et on va les priver de ce don », voici les mots d’un donneur consterné, qui n’a pas pu donner son rein à sa demi-sœur pour la simple raison que leur père ne l’ayant pas reconnu, juridiquement parlant ils n’ont aucun lien de parenté.

Le lien de parenté biologique avec le receveur ne suffit donc pas à autoriser une personne à faire don de l’un de ses organes.

Dons d’organe : Faut-il élargir le cercle de famille des donneurs vivants ?

Le demi-frère d’une malade insuffisante rénale, Madame Martine Courrier, estimait « naturel », selon ses dires, de donner son rein à sa demi-sœur de 59 ans, dans le but de la sauver.

Les médecins avaient déclaré son rein « compatible » et Monsieur Jean-Pierre Serrurier, le demi-frère concerné, avait fait part de son consentement libre et éclairé au président du Tribunal de grande instance de Nancy.

Seulement voilà, Martine Courrier et Jean-Pierre Serrurier, bien que demi-frère et sœur, n’ont, juridiquement parlant, pas de lien de parenté. Monsieur Serrurier ayant été conçu au cours d’une relation extraconjugale, il n’a jamais été reconnu par le père biologique qu’il a en commun avec Martine Courrier.

C’est pourquoi le comité d’experts de l’agence de biomédecine s’est catégoriquement opposé au don de rein, leur décision étant sans appel.

Les lois bioéthiques limitent donc le don d’organes au seul cercle familial. En France, les donneurs de rein ou de foie sont essentiellement les pères et mères (31 %), les frères et sœurs (37 %) et les conjoints (21 %). Les fils et filles représentent 5 % et les oncles, tantes et cousins 3 %.

En revanche, dans les pays anglo-saxons, la possibilité de faire un don est ouverte à toute personne ayant des relations affectives étroites avec le receveur.

Pour éviter que d’autres demi-sœurs, telle que Martine Courrier, ne soient privées de la chance de recevoir un organe pour de simples formalités administratives, dans le cadre du projet de loi portant révision des lois bioéthiques, ne faudrait-il pas étendre le champ des donneurs vivants ?

La question reste ouverte.

La procédure actuelle pour les prélèvements d’organes sur donneurs vivants

Des comités, dits « donneurs vivants » reçoivent le donneur pour l’informer sur les risques qu’il encourt, sur les conséquences prévisibles d’ordre physique et psychologique du prélèvement, et sur les répercussions éventuelles sur sa vie personnelle, familiale et professionnelle ainsi que sur les résultats qui peuvent être attendus de la greffe pour le receveur.

Les comités doivent s’assurer que le donneur a bien mesuré tous les risques et les conséquences.

Par suite, le donneur est entendu par un magistrat du tribunal de grande instance qui s’assure que son consentement est bien « libre et éclairé ». Le juge doit notamment s’assurer que le donneur n’agit pas sous le chantage ou le marchandage.

Enfin, le donneur effectue une demande d’autorisation auprès du comité qui prend une décision soit d’autorisation, soit de refus d’autorisation du prélèvement.

En cas de refus de l’autorisation, le donneur comme le receveur, ne disposent d’aucun recours à l’encontre de la décision du comité. Le comité n’est pas tenu de motiver sa décision.

Cette absence de motivation est justifiée par le souci de protéger le donneur des pressions qui ne manqueraient pas de s’exercer sur lui dès lors que les motivations du refus seraient connues.