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Diffamation sur internet : Google fait appel de sa condamnation en première instance

Publié par Julie TROUPEL le 27/09/2010 | Lu 7272 fois | 0 réaction

Le 8 septembre 2010, sur le fondement de la Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, le Tribunal de Grande Instance de Paris a rappelé que les parutions sur la toile ne font pas exception au cadre légal imposé à toute publication. Ainsi, Google et son Directeur de publication ont été condamnés in solidum par les juges de première instance pour diffamation publique. Un particulier les avait assigné devant la juridiction civile car, en tapant son nom de famille sur l'outil de recherche Google, ce dernier était associé à des termes dépréciatifs tels que : « violeur », « sataniste », « prison ». Aujourd'hui Google déclare vouloir faire appel de cette décision.

Faits et procédure

Une personne physique, que l’on appellera Monsieur X,  a été inquiétée par la justice pour des faits de corruption de mineure.

Le 5 février 2010, il est condamné par la Cour d’appel de Paris à une peine d’emprisonnement de 3 ans, dont un avec sursis. Cette décision n’est toutefois pas définitive.

Or, Monsieur X constate que les fonctionnalités “Google Suggest” et “Recherches associées” proposaient aux internautes saisissant ses prénom et nom sur le moteur de recherche, des items de recherche tels que “M. X... viol”, “M. X... condamné”, “M. X... sataniste”, “M. X... prison” et “M. X...violeur”.

En effet, Google a instauré depuis septembre 2008 une nouvelle fonctionnalité dite « Google Suggest », permettant aux internautes d’effectuer une recherche à partir des premières lettres du mot qu’ils saisissent. Ainsi, sans avoir à taper le libellé complet de leurs recherches, les internautes disposent d’un panel de propositions possibles.

Par ailleurs, sous la bannière “Recherches associées”, d’autres propositions de recherche sont affichées, supposées proches de celle que l’internaute a saisies lors de sa requête initiale.

A la suite de mises en demeure au moteur restées vaines au moteur de recherche, Monsieur X a assigné le 19 mai 2010, Monsieur Eric Schmidt, en sa qualité de Directeur de publication du site internet www.google.fr, la société de droit américain Google Inc ainsi que la société française Google France, pour diffamation publique.

La 17ième chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris, le 8 septembre 2010, a donné gain de cause à Monsieur X et condamné Google et son directeur de publication à prendre toute mesure utile pour supprimer les suggestions diffamatoires apparaissant sur « Google Suggest » et « Recherche associée ».

Le Tribunal a  ainsi engagé la responsabilité de Google pour diffamation publique sur le fondement de la Loi de 1881.

En effet, les juges ont estimé que l’association du patronyme de Monsieur X avec les mots « viol », « condamné », « sataniste », « violeur », « prison », était de nature diffamatoire, puisque détachable du débat d’opinion ou du jugement de valeur et attentatoire à l’honneur de l’internaute diffamé.

"Nous avons l'intention de faire appel de cette décision", a déclaré une porte-parole de Google.

Bien que condamné à un euro symbolique de dommages et intérêts, le moteur de recherche entend faire appel de cette décision. 

Internet : lieu privilégié des débordements ?

Dans un récent article, Documentissime avait mis le doigt sur les dérives de l’outil Internet en matière de droit des personnes. Un avocat constatait la prolifération des contentieux en matière de droit à l’image et la vie privée sur Internet.

En l’espèce, l’argumentaire de Google etait plutôt éloquent et présageait pour l’avenir la survenance d’autres litiges de ce genre.

En effet, pour le moteur de recherche, les faits reprochés seraient un résultat d’algorithme.

Il ne serait donc pas responsable du contenu de son moteur de recherche.

Ainsi Google faisait valoir que : « Google Suggest est une agrégation des requêtes les plus populaires, basée sur les requêtes passées effectuées par les internautes », « lorsque vous cliquez sur ces requêtes, la plupart du temps, elles renvoient vers des sites d'actualité et des articles de presse, ce qui peut expliquer leur popularité, donc leur arrivée en tête des suggestions ».

Diffamation : ce que dit la loi

Le Tribunal, dans sa décision du 8 septembre, a jugé Google au même titre que n’importe quelle autre presse publique.

Ainsi, aux termes de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, la diffamation publique se définit comme :

« Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. ».

En l’espèce, l’association du nom du demandeur à des mots dépréciatifs sur les moteurs de recherche de Google a été jugée suffisamment précise et fait nécessairement peser sur l’intéressé sinon une imputation directe de faits attentatoires à l’honneur ou à la considération du moins, la suspicion de s’être trouvé compromis dans une affaire de viol, de satanisme, et d’avoir été condamné ou d’avoir fait de la prison.

Il n’y a toujours pas de décision de justice définitive en matière pénale à l’encontre de Monsieur X.

Beaucoup de pays ont constaté que Google répétait les atteintes à la vie privée sur internet. Certains d’entre eux réfléchissent à des projets de loi en vue d’atténuer les débordements de l’internet.


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