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Déchéance de la nationalité : les nouvelles dispositions inconstitutionnelles ?

Publié par Documentissime le 02/08/2010 | Lu 7104 fois | 0 réaction

Vendredi, à Grenoble, Nicolas Sarkozy a réclamé que les auteurs de crimes contre les personnes dépositaires de l'autorité publique puissent être déchus de la nationalité française. Son ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, a surenchéri en indiquant souhaiter que les possibilités de déchéance de nationalité soient étendues aux cas « d'excision, de traite d'êtres humains ou d'actes de délinquance grave ». Ces propos soulèvent un vent de critiques et d'inquiétude de la part des professeurs de droit. Guy Carcassonne et Robert Badinter ont été les premiers à pointer du doigt les difficultés constitutionnelles que pourrait soulever une telle interdiction.

Contraire à la constitution

Pour Robert Badinter, ancien garde des Sceaux, l’idée portée par Nicolas Sarkozy de faire « des discriminations contre les Français au regard de mêmes crimes, de même infractions, selon l'origine de la personne, selon les modalités d'acquisition de la nationalité française » est « contraire à l'esprit républicain ... et c'est une faute politique parce que le cœur du problème c'est le sentiment de certains de ces Français, que M. Sarkozy appelle d'origine étrangère, de demeurer malgré leur carte d'identité des étrangers de la Nation ».

Le sénateur des Hauts-de-Seine a rappelé que tous les Français sont constitutionnellement égaux devant la loi « sans distinction d'origine ». Cette égalité est garantie par « l'article 1er de la Constitution » qui dispose que « la France assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine », a martelé M. Badinter.

Le constitutionnaliste, Guy Carcassonne a émis la même inquiétude. Bien que le Conseil constitutionnel ait validé en 1996 une loi selon laquelle « peuvent être déchues de la nationalité française, les personnes ayant acquis la qualité de français qui ont été condamnées pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme », il doute que cette entorse au principe d'égalité des citoyens devant la loi puisse être étendue à des crimes de droit commun.

Le professeur de droit à Nanterre a indiqué que «priver un individu de sa nationalité, ce serait porter atteinte à son intégrité».

Ce que prévoit la loi aujourd’hui

La procédure de déchéance de la nationalité est prévue par l'article 25 du code civil et doit être validée par un décret du Conseil d'État. Dans tous les cas, il ne faut pas qu'elle ait comme résultat de rendre apatride la personne concernée.

L'article 25 du code civil prévoit qu'un "individu qui a acquis la qualité de Français peut être déchu de la nationalité française" en cas d’ « atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation » ou de terrorisme ou s'il s'est livré « au profit d'un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciable aux intérêts de la France ». Il peut également être déchu de sa nationalité s'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par les dispositions du code pénal portant sur les « atteintes à l'administration publique commises par des personnes exerçant une fonction publique »  ou s'il est condamné pour s'être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national.

Les propositions de Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux étendraient donc considérablement les cas de déchéance.

Un texte probablement présenté en septembre

Selon une source proche du ministère de l’Immigration, les nouvelles dispositions concernant la déchéance de la nationalité pourraient être présentées au Parlement fin septembre. Elles feraient l’objet d’amendements portés par le projet de loi «relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité» présenté par Eric Besson au Conseil des ministres le 31 mars dernier.

L’épilogue de ce débat pourrait avoir lieu devant les sages du Conseil constitutionnel. S'ils sont saisis, les membres du Conseil détermineront si le texte est ou n’est pas conforme à la constitution. La quasi-unanimité des professeurs et professionnels du droit partagent l’avis que le texte a toutes les chances d’être retoqué devant le Conseil constitutionnel en raison de son inconstitutionnalité au regard de l’article 1er de la Constitution.


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