De la renonciation à l'application d'une clause de non-concurrence pendant son exécution

Publié par Sébastien CHARRIÈRE le 23/07/2010 | Lu 6496 fois | 0 réaction

La clause de non-concurrence est celle par laquelle le salarié s'interdit, lors de son départ de l'entreprise et pendant un certain temps par la suite, d'exercer certaines activités susceptibles de nuire à l'activité de son ancien employeur comme lui étant concurrentes. L'employeur peut vouloir se réserver la possibilité de renoncer à son application par le biais d'une stipulation au contrat de travail. Mais dans cas, la clause prévoyant que la renonciation peut avoir lieu pendant la durée d'exécution de la clause de non-concurrence est-elle valable ? C'est à cette question qu'a répondu la chambre sociale de la Cour de cassation ce 13 juillet 2010

Pour être valable, on le sait, la clause de non-concurrence doit répondre à des critères stricts soumis à l'appréciation des juges. Notamment, l'employeur doit pouvoir justifier que la clause est indispensable à la protection de ses intérêts légitimes. Sans entrer dans un long débat, on peut s'interroger de prime abord sur le principe de l'insertion d'une clause de renonciation à l'application de la clause de non-concurrence puisque, par définition, si la clause de non-concurrence est existante, c'est que normalement, l'employeur a un intérêt légitime à son application, la présence d'une clause de renonciation induisant le doute quant à l'existence de cet intérêt légitime...

Quoi qu'il en soit, la jurisprudence admet la possibilité pour l'employeur de renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence. On rappelera à ce titre, que la clause de non-concurrence est une clause inscrite au contrat de travail (soit à l'origine, soit par un avenant) et que l'intérêt légitime du jour de son insertion au contrat n'est peut être plus existant au jour de son exécution puisqu'un certain nombre d'années peuvent s'écouler entre ces deux évènements.

Pour pouvoir renoncer à son exécution, l'employeur doit avoir prévu cette possibilité au contrat. Le contrat ou la convention collective devra prévoir un délai pendant lequel l'employeur pourra user de cette faculté. Dans l'affaire qui nous intéresse, le contrat de travail d'une salariée prévoyait pour l'employeur la faculté de dispenser la salariée de son exécution ou en réduire la durée soit au moment du départ, soit pendant la durée de l'exécution de la clause, la durée du versement de la contrepartie financière étant alors réduite d'autant (n'oublions pas, en effet, qu'une clause de non-concurrence valable est une clause prévoyant une contrepartie pécuniaire à cette obligation pesant sur l'ancien salarié). La salariée se fait licencier et l'employeur renonce à l'application de la clause de non-concurrence après le licenciement. Il ne verse plus, de ce fait, de contrepartie financière.

Suite à l'action en justice de l'ancienne salariée contestant son licenciement, les juges condamnent l'employeur à verser à la contrepartie financière. Celui-ci saisit alors la Cour de cassation afin de voir son droit à renonciation reconnu au nom de la clause insérée au contrat de travail. Celle-ci rejette finalement ses prétentions et confirment la décision des premiers juges en posant que le salarié ne pouvant être laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler, la clause par laquelle l'employeur se réserve la faculté, après la rupture , de renoncer à la clause de non-concurrence à tout moment au cours de l'exécution de celle-ci doit être réputée non écrite. Aucun délai n'étant prévu au contrat ou dans une convention collective, l'employeur aurait profiter de sa faculté de renonciation au moment du licenciement et non postérieurement (en l'espèce, le licenciement a été prononcé le 6 février et la renonciation a été faite le 30 avril).

ï»Cass. soc. 13 juillet 2010, n°09-41626, publié au bulletin