De la prise d'acte de la rupture du contrat de travail suite à l'absence de visite de reprise

Publié par Sébastien CHARRIÈRE le 13/10/2010 | Lu 6678 fois | 0 réaction

La prise d'acte de rupture du contrat de travail est un mode original de rupture du contrat de travail qui laisse toutefois son auteur dans le doute tant qu'une décision de justice n'a pas tranché quant à son interprétation en faveur de l'une ou l'autre partie. Certains manquements invoqués par le salarié à l'encontre de l'employeur, s'ils sont avérés, ne laissent aucun doute quant à l'avenir de la prise d'acte face au juge. Pour d'autres, la question peut être posée. Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation a-t-elle du s'interroger le 6 octobre dernier sur la légitimité d'une prise d'acte de rupture d'un salarié qui n'avait pas bénéficié d'une visite de reprise après maladie.

Après avoir été à plusieurs reprises en arrêt maladie, une pharmacienne salariée d'une officine prend acte de la rupture de son contrat de travail par courrier en l'imputant à son employeur au motif de l'absence de visite médicale de reprise.

Les juges du fond reconnaissent à la rupture le caractère d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, lorsque l'absence pour maladie dépasse 21 jours, l'employeur doit prévoir dans les 8 jours de la reprise une visite médicale. Tant que cette visite médicale n'a pas lieu, le contrat de travail est considéré comme toujours étant suspendu, ce qui rend impossible une procédure de licenciement par exemple.

L'employeur forme un pourvoi en cassation afin de faire reconnaitre la prise d'acte comme une démission. La chambre sociale de la Cour de cassation rejette les arguments de l'employeur. Elle estime, en effet que "la cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait repris son travail sans bénéficier d'une visite de reprise auprès du médecin du travail dans les huit jours et sans que l'employeur ait allégué avoir pris l'initiative de faire passer une visite médicale dans le même délai, a souverainement décidé que celui-ci avait commis un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d'acte par la salariée de la rupture de son contrat de travail".

Il faut noter qu'en l'espèce, la formulation de la décision laisse à penser que la salarié n'avait même pas eu loisir de travailler 8 jours après son premier arrêt puisque manifestement il y est évoqué par l'employeur que "la salariée était de nouveau en arrêt de travail avant l'expiration de ce délai". Ainsi, celui-ci semblait laisser entendre qu'on ne pouvait lui reprocher une absence de visite de reprise alors que le temps accordé par la loi n'a même pas pu s'écouler par une rechute de la salariée. On ne peut légitimement pas lui jeter la pierre sur cette argumentation mais la chambre sociale de la Cour de cassation a évoqué l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont constaté que même une simple allégation d'un commencement de visite de reprise n'avait été évoqué par l'employeur avant sa rechute et que, par conséquent, son obligation légale n'avait pas été respectée. Dont acte.

Cass. soc. 6 octobre 2010, n°09-66140, publié au bulletin