CA Nancy : Thierry ne peut devenir Delphine sans fournir la preuve d'un « changement de sexe irréversible »

Publié par Documentissime le 12/10/2010 | Lu 7158 fois | 0 réaction

Née Thierry, elle est devenue Delphine. Delphine demandait la reconnaissance de son changement de sexe sur ses actes d'état civil. La Cour d'Appel de Nancy a estimé hier qu'un traitement hormonal était insuffisant pour changer d'état civil. Pas d'opération chirurgicale, pas de changement d'état civil pour Delphine donc. Dans sa rédaction, le juge de première instance imposait à la requérante de se faire opérer pour obtenir une nouvelle identité, là où la cour d'appel ne lui demande que de fournir « un certificat médical établissant son changement de sexe irréversible ».

Thierry puis Delphine

Thierry est devenu Delphine. Et Delphine a demandé la reconnaissance de son changement de sexe sur ses actes d’état civil.

Elle a été déboutée en première instance par le Tribunal de grande Instance de Nancy.

La jurisprudence actuelle exige pour modifier les actes d’état civil, une opération chirurgicale définitive. Maître Cyferman, l’avocat de Delphine, avait plaidé devant la Cour le critère de l’apparence. Il n’a pas été retenu par la Cour d’appel de Nancy qui a rendu son délibéré hier. Celle-ci a estimé, comme le juge de première instance, qu’un traitement hormonal était insuffisant pour changer d’état civil.

La Cour de Nancy a demandé à Delphine de fournir « un certificat médical établissant son changement de sexe irréversible ». Lors de l'audience qui s’est tenue le 13 septembre dernier, Maître Cyferman s’était insurgé : « le fait qu'on demande à ma cliente de prouver qu'elle n'a plus ses parties génitales masculines est une atteinte à sa vie privée, l'intérêt général n'impose pas qu'elle ait à se justifier de cela ».

En pratique, Thierry ne peut donc devenir Delphine sur ses actes d’état civil sans une ablation de ses testicules, preuve « de son changement de sexe irréversible ».

L’avocat a indiqué hier réfléchir avec sa cliente à la possibilité d'un pourvoi en cassation.

Delphine est aujourd’hui adjudant-chef sur la base aérienne de Nancy-Ochey (Meurthe-et-Moselle). Elle a formé un recours contre l'armée devant le tribunal administratif.

Armée qui lui avait fourni uniforme et papiers féminins, avant de lui retirer en décembre 2009 à la suite du refus de changement d'identité par le TGI de Nancy.

L’état civil et le changement de sexe

L’article 99 du Code Civil traite de la rectification des actes de l’état civil.

La jurisprudence actuelle en matière de demandes de modification de la mention du sexe repose sur deux arrêts de la Cour de cassation du 11 décembre 1992 qui exigent dans les faits la preuve d'une opération chirurgicale irréversible pour obtenir un changement d'état civil :

« le traitement médico-chirurgical auquel il avait été soumis lui avait donné une apparence physique telle que son nouvel état se rapprochait davantage du sexe féminin que du sexe masculin ; qu'elle a énoncé, ensuite, que l'insertion sociale de l'intéressé était conforme au sexe dont il avait l'apparence »

Pourtant, en juillet 2009, le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg, a estimé que « les personnes qui souhaitent faire reconnaître leur identité de genre ne devraient pas être obligatoirement soumises à une stérilisation ni à aucun autre traitement médical ».

Vers une prochaine évolution de la jurisprudence ?...