1 ere civ,12 janvier 2012: quand payer volontairement la dette d'autrui est une getion d'affaires...

Publié par Sabine HADDAD le 17/01/2012 - Dans le thème :

Banque et crédits

| Lu 9405 fois |
1 réaction

Certains faits volontaires, peuvent entraîner des engagements légaux.
Certains  quasi-contrats définis à l'article 1371 du code civil, peuvent entraîner des engagements légaux.
Ils sont constitués par "les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties."
La loi défini deux quasis contrats depuis 1804.
-la gestion d'affaire définie par l'article 1372 du code civil
Lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui, soit que le propriétaire connaisse la gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même ; il doit se charger également de toutes les dépendances de cette même affaire.
-le paiement de l'indû.
Le lecteur pourra se référer à l'article consacré à ce thème. PAYER PAR ERREUR LA DETTE D'AUTRUI CONSTITUE UN PAIEMENT DE L'INDU
Il s'agit de "Tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétitionLa répétition n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées" article 1235 du code civil
La jurisprudence est venue y ajouter l'action de in rem verso ou pour enrichissement sans cause, qui permet à une personne qui s'est appauvrie à l'avantage d'une autre sans raison d'être remboursée.( ex entre concubins).


La question de savoir si la qualification juridique de la  gestion d'affaires, s'est posée lorsqu’une personne paye, sans obligation la dette d'un  tiers, dans le seul but de lui éviter la saisie immobilière de ses biens, puis  en demande  le remboursement.


Pour la 1 ère Chambre civile de la cour de cassation, 12 janvier 2012, pourvoi n°10-24512, cet acte est bien une  gestion d'affaires, dans la mesure où l'ami a agi à la fois dans son intérêt et dans celui du débiteur ( pour préserver son patrimoine et lui éviter une saisie immobilière d’un établissement de crédit créancier ce qui a constitué  un gage garantissant ses créances à l'égard de celui-ci.)   en payant les dettes de celui-ci puis en a demandé   remboursement  

I-Analyse de 1 ere Civ,12 Janvier 2012, pourvoi N° 10-24512

A)   Le visa retenu par la cour
Article 1236 du code civil

Une obligation peut être acquittée par toute personne qui y est intéressée, telle qu'un coobligé ou une caution.
L'obligation peut même être acquittée par un tiers qui n'y est point intéressé, pourvu que ce tiers agisse au nom et en l'acquit du débiteur, ou que, s'il agit en son nom propre, il ne soit pas subrogé aux droits du créancier.
Article 1372 du code civil précité

En l'espèce, le demandeur est fondé à réclamer à son amie, sur le fondement des quasi-contrats, le remboursement des 57.000 euros qu'il a  réglé à sa place à la banque et au Trésor public, ces derniers menaçant de saisir les biens immobiliers de la débitrice..
L’ami avait ici payé, puis assigné en remboursement son amie.


B)  La cause du paiement : exclusive de l’intention libérale ( donation)


Ici aucune  intention libérale ne pouvait s’envisager, au regard des motifs invoqués ( voire C)

En effet, le  paiement était causé dans le but de préserver le patrimoine de son amie.
La volonté avait donc comme objectif la préservation du patrimoine de la débitrice, lequel constituait le gage garantissant l'ensemble de ses créances à l'égard de celle-ci.
Comme les règlements de dettes ont été utiles à la débitrice, non seulement en permettant l'extinction de ses dettes, mais en outre en évitant la saisie de ses biens immobiliers, la gestion d’affaire est ici envisageable.


C) La motivation

Pour la cour d'appel l'intention libérale est exclue, et la gestion d'affaire aussi parce qu'il est invoqué comme cause du paiement l'objectif de préserver le patrimoine de Mme Y..., qui constituait le gage garantissant ses créances à l'égard de celle-ci mais que la gestion d'affaires sur laquelle celui-ci fonde sa demande doit être écartée dès lors que le seul paiement de la dette d'autrui ne suffit pas à la caractériser ;
Autrement dit Pour débouter ,après avoir énoncé "qu'il incombe à celui qui a sciemment acquitté la dette d'autrui, sans être subrogé dans les droits du créancier, de démontrer que la cause dont procédait ce paiement impliquait, pour le débiteur, l'obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées", retient que M. X. ne peut invoquer la gestion d'affaires pour fonder sa demande, "dès lors que le seul paiement de la dette d'autrui ne suffit pas à la caractériser". 

CASSATION au motif que:

Attendu qu'en statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que M. X... avait agi à la fois dans son intérêt et dans celui de la débitrice, et que les paiements litigieux avaient été utiles à celle-ci non seulement en permettant l'extinction de ses dettes mais en outre en évitant la saisie de ses biens immobiliers, ce qui caractérisait une gestion d'affaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

D)  Déjà un recours permettait au tiers non obligé  qui a payé la dette d’autrui de demander le remboursement à son débiteur  ( sans subrogation dans les droits du créancier)


Cass  Soc, 15 mai 1990
,N° pourvoi 88-17572

Voir les articles 1132 et 1236 du Code civil, relatifs à l'extinction des obligations.
Article 1132 du code civil  »La convention n'est pas moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée. »


II Présentation de l'arrêt : 1ère Civ,12 Janvier 2012, pourvoi n°10-24512

Vu les articles 1236 et 1372 du Code civil ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que faisant valoir que, pour éviter la saisie d'un immeuble appartenant à Mme Y..., il avait réglé les dettes de celles-ci envers le Crédit foncier et le Trésor public, M. X... l'a assignée en remboursement de ces sommes ;
Attendu que pour débouter M. X... de ces demandes, l'arrêt, après avoir exactement énoncé qu'il incombe à celui qui a sciemment acquitté la dette d'autrui, sans être subrogé dans les droits du créancier, de démontrer que la cause dont procédait ce paiement impliquait, pour le débiteur, l'obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées, retient que M. X..., dont l'intention libérale est exclue, invoque comme cause de son paiement l'objectif de préserver le patrimoine de Mme Y..., qui constituait le gage garantissant ses créances à l'égard de celle-ci mais que la gestion d'affaires sur laquelle celui-ci fonde sa demande doit être écartée dès lors que le seul paiement de la dette d'autrui ne suffit pas à la caractériser ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que M. X... avait agi à la fois dans son intérêt et dans celui de la débitrice, et que les paiements litigieux avaient été utiles à celle-ci non seulement en permettant l'extinction de ses dettes mais en outre en évitant la saisie de ses biens immobiliers, ce qui caractérisait une gestion d'affaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
Casse et annule,
mais seulement en ce que, réformant le jugement du 29 mai 2008 qui avait condamné Mme Y... à payer à M. X... la somme de 57.226,39 euros, il déboute M. X... de la demande en paiement de cette somme, l'arrêt rendu le 9 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier

Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.

Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris