Attention chien méchant : pas de garantie des vices cachés pour un toutou agressif !

Publié par Documentissime le 04/10/2010 | Lu 10443 fois | 1 réaction

Cas pratique : j'achète un chien de race. C'est un doberman, qui se révèle être très agressif. Puis-je assigner le vendeur de l'animal en résolution de la vente et remboursement du prix d'achat ? Si oui, sur quel fondement juridique ? La dame avait fondé sa demande sur l'article 1641 du code civil. La Cour de cassation dans un arrêt du 30 septembre 2010, l'a déboutée, considérant que l'agressivité d'un chien ne faisait pas partie de la liste des vices rédhibitoires énoncée par le code rural.

Actualité jurisprudentielle

Les faits : une dame achète un doberman. L’animal se révèle très agressif. La dame sollicite la résolution de la vente pour vices cachés.

Le juge de proximité avait accueilli sa demande sur le fondement de l'article 1641 du code civil selon lequel « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».

La Cour de cassation, dans un arrêt du 30 septembre 2010, rappelle que l'action en garantie dans les ventes d'animaux domestiques est régie par les seules dispositions du code rural. Le code rural énonce de manière exhaustive la liste des vices rédhibitoires qui permettent au propriétaire de l'animal d'assigner le vendeur en résolution de la vente avec remboursement du prix d'achat. L’agressivité d’un chien ne fait pas partie de la liste. La demanderesse est en conséquence déboutée de toutes ses demandes.

L’arrêt

Arrêt n° 802 du 30 septembre 2010 (09-16.890) - Cour de cassation - Première chambre civile

Cassation sans renvoi

Demandeur(s) : Mme V...X... Défendeur(s) : Mme A... Y...

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 213 1 et L. 213-5 du code rural ;

Attendu que Mme Y... qui avait acquis, le 4 janvier 2008, de Mme X..., un chien de race doberman, se plaignant de l’agressivité de l’animal, a sollicité la résolution de la vente pour vices cachés ;

Attendu qu’après avoir constaté que l’agressivité d’un animal domestique n’entrait pas dans le champ d’application de l’article L. 213-4 du code rural et des dispositions du décret n° 2001-375 du 25 avril 2003 relatif aux vices rédhibitoires, le jugement attaqué accueille la demande sur le fondement des dispositions de l’article 1641 du code civil ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’action en garantie dans les ventes d’animaux domestiques est régie, à défaut de convention contraire non invoquée en l’espèce, par les seules dispositions du code rural, la décision attaquée a violé les textes susvisés par refus d’application ;

Attendu qu’il y a lieu, conformément à l’article 627 alinéa 2 du code de procédure, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée aux faits constatés par les juges du fond et de débouter Mme Y... de toutes ses demandes ; PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 3 décembre 2008, entre les parties, par la juridiction de proximité de Saint-Lô Décision de la Cour de cassation, Chambre civile, rendue le 30/09/2010, cassation sans renvoi.

Ce que dit la loi

L’animal est juridiquement un meuble, comme l’énonce l’article 528 du code civil :

« Sont meubles par leur nature les animaux et les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère. »

Il est, dans certains cas particuliers un immeuble, comme énoncé aux articles 522 et 524 du code civil :

« Les animaux que le propriétaire du fonds livre au fermier ou au métayer pour la culture, estimés ou non, sont censés immeubles tant qu'ils demeurent attachés au fonds par l'effet de la convention.

Ceux qu'il donne à cheptel à d'autres qu'au fermier ou métayer sont meubles. »

« Les animaux et les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds sont immeubles par destination.

Ainsi, sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l'exploitation du fonds :

Les animaux attachés à la culture ; Les ustensiles aratoires ; Les semences données aux fermiers ou colons partiaires ; Les pigeons des colombiers ; Les lapins des garennes ; Les ruches à miel ; Les poissons des eaux non visées à l'article 402 du code rural et des plans d'eau visés aux articles 432 et 433 du même code ; Les pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes ; Les ustensiles nécessaires à l'exploitation des forges, papeteries et autres usines ; Les pailles et engrais.

Sont aussi immeubles par destination, tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure. »

La vente des animaux domestiques soulève régulièrement des litiges. Un acheteur mécontent peut soit intenter une action en nullité de la vente pour vice du consentement, soit une action en garantie pour vices cachés.

Le législateur différencie deux types de défauts pour les animaux : les vices cachés régis par le droit commun et les vices rédhibitoires bénéficiant d’un régime dérogatoire.

L’animal étant juridiquement un meuble, les dispositions du code civil s’appliquent au même titre que pour un objet matériel quelconque.

Les vices rédhibitoires des animaux permettent d’engager une action sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil. Ces vices sont listés par le Code rural, en voici quelques-uns :

Pour le cheval, l'âne et le mulet :

L'immobilité ;

L'emphysème pulmonaire ;

Le cornage chronique ;

Le tic proprement dit avec ou sans usure des dents ;

Les boiteries anciennes intermittentes ;

L'uvéite isolée ;

L’anémie infectieuse des équidés.

Sont considérés comme atteints d'anémie infectieuse des équidés et peuvent donner lieu à rédhibition les animaux qui ont fait l'objet d'une recherche de la maladie par des épreuves effectuées selon des procédés et critères approuvés par la commission nationale vétérinaire et dont le résultat a été reconnu positif par un laboratoire agréé par le ministre de l'agriculture.

Pour l'espèce porcine :

La ladrerie.

Pour l'espèce canine :

a) La maladie de Carré ;

b)  L'hépatite contagieuse (maladie de Rubarth) ;

c) La parvovirose canine ;

d) La dysplasie coxofémorale ; en ce qui concerne cette maladie, pour les animaux vendus avant l'âge d'un an, les résultats de tous les examens radiographiques pratiqués jusqu'à cet âge sont pris en compte en cas d'action résultant des vices rédhibitoires ;

e) L'ectopie testiculaire pour les animaux âgés de plus de six mois ;

f) L'atrophie rétinienne ;

Pour l'espèce féline :

a) La leucopénie infectieuse ;

b) La péritonite infectieuse féline ;

c) L'infection par le virus leucémogène félin ;

d) L'infection par le virus de l'immuno-dépression.

Pour les maladies transmissibles du chien et du chat mentionnées aux a, b et c du 1º et aux a, b et c du 2º ci-dessus, les dispositions de l'article 1647 du code civil ne s'appliquent que si un diagnostic de suspicion a été établi par un vétérinaire ou docteur vétérinaire dans les délais fixés par décret en Conseil d'Etat.

La jurisprudence sur l’action en garantie des animaux domestiques

Depuis une vingtaine d’années les actions en garantie en matière de vente d’animaux de compagnie se sont multipliées.

1)  COUR D’APPEL DE LYON – CHAMBRE CIVILE SECTION 6 – 12/03/2003 (Annexe

16)

Affaire Didier X contre Marie-Noëlle Y :

Les faits : Attendu que Didier X a acheté à Marie Noëlle Y un Berger Allemand « Podium », présentant des troubles nerveux dont l’origine semblerait être une intoxication par le plomb ayant eu lieu avant l’achat de l’animal, l’acheteur a assigné le vendeur en annulation de la vente.

Première instance (TI) : Attendu que l’avis scientifique est soumis à controverse face à la difficulté du problème, le tribunal d’instance retient que le lien de causalité entre le saturnisme et les troubles n’est pas établi, Didier X est débouté de son action en annulation de la vente.

Cour d’appel (12/03/2003) : le demandeur fonde sa demande sur le dol par réticence et obtient la recevabilité de l’appel. Attendu que la venderesse est une professionnelle et que la Cour a retenu que la réticence d’information avait été intentionnelle ; l’acheteur a obtenu l’annulation de la vente.

2) TRIBUNAL D’INSTANCE D’YVETOT – 06/10/1993 / COUR DE CASSATION – CHAMBRE CIVILE 1 – 09/01/1996 (Annexe 18)

Affaire Jaheny contre Rollin

Les faits : Attendu que Mme Rollin a vendu à Mme Jaheny un chiot atteint d’une « maladie congénitale », cette dernière a assigné la venderesse sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Première instance (6/10/1993) : Attendu que Mme Rollin est une professionnelle, le Tribunal d’Instance a condamné cette dernière à verser la somme de 12000Fr à Mme Jaheny.

Cour de cassation (9/01/1996) : Attendu que le Tribunal a retenu à cet égard que Mme Rollin était un éleveur spécialisé dans cette race de chien, de sorte que l’acheteur était en droit d’attendre que l’animal possède les qualités physiques de cette race, recherchée par l’acquéreur. Le tribunal ayant justifié par ce biais l’existence d’une convention contraire donnant droit à l’action en garantie pour vice caché, la cour de cassation rejette le pourvoi.

3) COUR D’APPEL D’ORLEANS – CHAMBRE CIVILE SECTION 1 – 14/12/1994 (annexe 19)

Affaire Hubert contre Mutte

Les faits: Attendu que Mr Hubert a acheté a Mme Mutte, éleveuse professionnelle, deux bergers allemands à l’âge de deux mois, qui s’avéraient atteints de dysplasie coxo-fémorale, découverte faite par un examen vétérinaire à l’âge de 6 puis confirmée à 11 mois, l’acheteur a assigné la venderesse en restitution du prix et en paiement de dommages et intérêts sur le fondement des vices cachés du Code civil.

Première instance: Attendu que le juge a retenu que la garantie des défauts cachés est régie, à défaut de convention contraire, par les dispositions du Code rural, Mr Hubert est débouté de sa demande.

Cour d’appel (14/12/1994): L’acheteur fait grief au jugement de considérer comme exclusive la garantie des vices rédhibitoires et de l’empêcher d’invoquer la garantie des vices cachés selon le Code civil. Pour se fonder sur le droit commun, il invoque le rapport d’expertise vétérinaire qui confirme la dysplasie ce qui rendait les deux chiens impropres à l’usage auquel on les destine : l’élevage. Il révèle également l’origine héréditaire de la maladie, donc son antériorité à la vente, il affirme que cette particularité généalogique aurait été connue par Mme Mutte avant la vente ce qui lui permet d’invoquer, à titre subsidiaire, un vice du consentement.

Attendu que la Cour d’appel retient que l’exercice des actions en garantie des vices cachés n’est pas interdit aux acheteurs que la loi a au contraire entendu protéger, et attendu que la Cour a souverainement estimé que les brefs délais étaient respectés, elle énonce, au dépens de  la première instance, la résolution de la vente.

4) TRIBUNAL D’INSTANCE DE LA ROCHE-SUR-YON – 11/05/1978 / COUR DE CASSATION – CHAMBRE CIVILE 1 – 12/03/1980 (Annexe 20)

Affaire Carcaret contre Brodu

Les faits: Mr Cacaret a assigné Dame Brodu en restitution d’une partie du prix d’achat d’un Terre Neuve atteint de dysplasie coxo-fémorale.

Première instance (TI): Attendu que le chien était clairement destiné à la reproduction, le tribunal d’instance a justifié l’existence d’une convention contraire tacite permettant au demandeur de fonder sa demande sur les articles 1641 et suivants du Code civil. De plus Dame Brodu étant un éleveur professionnel, le tribunal d’instance la condamne non seulement à la restitution partielle du prix en faisant mais aussi au paiement de dommages et intérêts pour être “vendeur de mauvaise foi”.

Cour de cassation (12/03/1980): La Cour de cassation reconnaît l’existence d’une convention tacite. En revanche le caractère professionnel de la venderesse n’apporte pas la preuve de sa mauvaise foi dans la vente. Le jugement est cassé et annulé mais uniquement en ce qui concerne la condamnation de Dame Brodu au versement des dommages et intérêts.

Source : THESE de Julien VIGUIER « LES VICES CACHES DES ANIMAUX DOMESTIQUES : INVENTAIRE ET ANALYSE JURISPRUDENTIELLE »